LE QUYÊN

Le quyên, ou enchaînement codifié

[quote align= »center » color= »#999999″]Tout combat commence par soi-même[/quote]

En vietnamien, « quyên » signifie « poing ». Par extension, il désigne aujourd’hui tous les enchaînements mains nues (par opposition aux enchaînements qui font intervenir les armes et que l’on nomme « Bai vu khi » ou quelques fois aussi « vu khi thuat »).

Le quyên est un enchaînement codifié qui fait intervenir toute la richesse d’un style : techniques de frappes, de blocages et d’absorption, mais aussi des techniques de respiration et d’énergie interne. Les techniques privilégiées dans un quyên répondent aux préférences d’un style, à son identité. Ce qui explique que des écoles aux techniques très musculaires, très dures, possèdent des quyên dits « carrés », rigides, puissants faisant intervenir des frappes directes puissantes et des blocages solides et durs. Le quyên est le moyen privilégié pour un style de transmettre son identité: le quyên est l’héritage d’une école (au double sens d’héritage: ce que l’on reçoit et ce que l’on transmet).

Le quyên est un combat imaginaire livré contre une ou plusieurs personnes. A ce titre, toutes les qualités du guerriers sont sollicitées : stabilité et équilibre, rapidité et explosivité, force et souplesse, précision et fluidité mais surtout vigilance et esprit du guerrier (attention, sang-froid, vivacité).

Dans un quyên, il faut savoir faire intervenir la vertu des guerriers, le génie du lutteur. La vertu du guerrier est un mélange de résolution, d’adresse, de style, c’est la transposition esthétique de la virtuosité des héros issus des mythes et légendes de toutes les cultures. La vertu est incandescence, braise et feu. Elle induit la virtuosité, la puissance de réaliser une action avec brio et efficacité.

Si le quyên est un combat contre plusieurs personnes, il est d’abord et avant tout, comme l’exprime la phrase de Malraux en exergue, un travail sur soi. Le vo sinh imprime au réel sa marque, son sceau. La vertu c’est l’énergie opposée au hasard et à la faiblesse de l’homme (le hasard n’est que le révélateur de la faiblesse des hommes, faiblesse qui les poussent à se faire dominer par une détermination telle que le destin), matière informe et brute. Le quyên est le moment pendant lequel le vo sinh prend le pas sur sa paresse, sur ses faiblesses.

L’acte du vo sinh est alors formateur : le réel est pour lui l’occasion de la maîtrise, de l’expression d’une domination. Le vo sinh est l’homme du kaîros, le dompteur du réel. Il est, dans un quyên, pareil au virtuose des arts martiaux, aux héros guerriers des légendes : il utilise les forces destinées à le déstabiliser pour construire son équilibre. Tout risque devient l’occasion de la confrontation, tout désavantage, tout imprévu est transformé en avantage.