Ceux qui suivent le chemin du Võ sinh doivent accepter la rude discipline de l’effort, du don, ils doivent assumer les affrontements, les rencontres, les épreuves et les leçons : telle est la voie de la sagesse.

Introduction

Cette rubrique synthétise des lectures liées à l’histoire des arts martiaux vietnamiens et aux philosophies qui l’ont irriguées. Vous pouvez pratiquer le Viêt võ đao sans rien connaître de cette rubrique. Mais un petit effort peut vous faire découvrir un autre visage de votre art martial.

« L’art martial », ou « techniques de guerre » (Mars étant, chez les Latins, le dieu de la guerre) est fondamentalement un art pour la guerre, c’est-à-dire un ensemble de techniques en vue de la guerre. Pourtant, sa nature a changé, tant les progrès des techniques (armes à feu, canons, gaz, etc.) et des mentalités (conversion de plus en plus raffinée aux arts et aux lettres, spiritualisation des pratiques martiales, etc.) ont rendu sa fonction première vaine ou frustrante (former des guerriers sans jamais former des hommes…). Ce qui explique que son enseignement et sa pratique se soient spiritualisés.

Dès lors, la valeur d’un art martial, par rapport aux autres disciplines de combat est qu’elle repose sur des principes philosophiques. D’une certaine manière le Viêt võ đao recherche plus que la formation du guerrier : il a des prétentions humanistes.

Les deux courants

L’histoire des invasions du Vietnam fait que le Viêt võ đao est irrigué par trois grands courants de pensée : le Taoïsme, le Confucianisme, et le Bouddhisme. Brièvement, pour le confucianisme (de Confucius), il existe un ordre universel auquel il faut s’adapter en adoptant une morale stricte qui enjoint notamment de remplir toutes ses obligations, rendre culte aux ancêtres, être fidèles aux lois et aux coutumes, obéir aux supérieurs etc.

Pour le taoïsme (de Lao-tseu) il faut adopter un mode de vie ascétique, pénétrer jusqu’aux bases du monde : le tao (le « chemin » ou la « voie ») d’où montent spontanément les pensées et les actions justes.

Pour le bouddhisme l’ensemble des préceptes religieux est destiné à échapper aux maux de l’existence. Pour cela il faut mener une vie ascétique et probe mais la béatitude bouddhique est un anéantissement : c’est le sens du nirvâna.

Ces trois courants étaient représentés sur le premier écusson du Viêt võ đao sur lequel était dessinés les 3 symboles du Viêt võ đao : le carré (régularité, justice, terre) évoque le confucianisme, le roseau (droiture, constance, désintéressement) évoque le bouddhisme, et le cercle (cercle de la vie, la perfection, le ciel) évoque quant à lui le taoïsme.

Les trois forces

« Il faut être fort physiquement, mentalement et moralement » écrit maître Phan Hoang (L’Univers du Viêt võ đao). De ce point de vue, être fort physiquement c’est adopter une culture de la vitalité, de l’endurance, de la résistance : c’est être maître de son corps.

Être fort moralement c’est posséder des vertus telles que la droiture, le courage, la simplicité, la bonté. Ces vertus qui guident nos actions et fournissent la valeur de nos actes.

Enfin, être fort mentalement cela signifie qu’il faut avoir l’esprit affûtée comme une lame, être capable de persévérer devant la difficulté, de vaincre l’adversité, de rester lucide.et aussi d’accepter ses limites.

Les principes du Viêt võ đao

Les dix principes qui suivent sont bien connus, ils sont inspirés des « dix principes fondamentaux du Vovinam Viêt võ đao ». Ceci étant, ils permettent de comprendre dans quel cadre s’est construite la pratique des Arts Martiaux Vietnamiens (AMV) en France et ce que l’art martial privilégie.

1/ Atteindre le plus haut niveau de l’art pour servir l’humanité.

2/ Être fidèle à l’idéal du Viêt võ đao et être dévoué à sa cause.

3/ Être toujours unis, respecter les maîtres et les aînés, aimer les condisciples.

4/ Respecter rigoureusement la discipline, placer l’honneur au-dessus de tout.

5/ Respecter les autres arts, et n’utiliser le Viêt võ đao que pour la défense légitime.

6/ Cultiver la connaissance, forger l’esprit, progresser dans la voie.

7/ Vivre avec probité, simplicité, fidélité et noblesse d’esprit.

8/ Développer une volonté d’acier, vaincre les difficultés.

9/ Être lucide, persévérant et actif.

10/ Être maître de soi-même, modeste, respectueux, tolérant et progresser dans la voie en se jugeant soi-même.

Le AM DUONG

Les vocables YIN et YANG, en vietnamien AM et DUONG sont bien connus. Pour simplifier, le AM est un principe passif, le Négatif, et le DUONG un principe actif, le Positif. Ce sont les deux contraires (le chaud et le froid, l’homme et la femme, la force et la souplesse etc.) qui forment l’unité du Tout. Leurs existences sont si interdépendantes, leur unité telle qu’il convient plutôt de parler de YIN YANG, AM DUONG sans les séparer par la conjonction de coordination « et ». Leur équilibre, leur harmonie s’appelle le ĐAO. Voilà pourquoi on dit que le Viêt võ đao a pour principe l’harmonie entre la force et la souplesse. Sans le ĐAO (la voie, le système philosophique qui soutient l’art martial) il n’y aurait pas d’harmonie.

Selon les taoïstes, avant l’apparition de toute matière, il y avait le vide originel ou VÔ CUC. VÔ, c’est l’absence, ou vide. CUC veut dire « suprême ». Le VÔ CUC est donc le vide total, c’est-à-dire un état de vacuité absolue. Cet état était symbolisé par un cercle vide (comme le zéro représente le « rien » en mathématique). De cet état de vacuité absolue naît la matrice originelle, c’est-à-dire l’Un (l’unité absolue dans laquelle tout est confondu): c’est la THAI CUC. Comme une cellule qui se scinde en 2 pour se multiplier, cette unité absolue donne naissance aux 2 forces appelée YIN, et l’autre YANG. Ces deux forces ne peuvent exister l’une sans l’autre.

Pour rendre compte de la dynamique du YIN YANG, les chinois ont montré qu’il y a 4 phénomènes dans l’interaction du YIN avec le YANG: le jeune YANG, le vieux YANG, le jeune YIN, et le vieux YIN. Le jeune YANG grandit et s’épure de son aspect YIN (vieux YANG). Il créé alors les conditions propre à générer une énergie contraire: le jeune YIN qui va à son tour se transformer: c’est la loi de la transformation. Cette succession dans les lois de la transformation (c’est-à-dire cet effort renouvelé pour créer une force nouvelle) s’appelle la loi du cycle.

Références

Pour réaliser cette rubrique, ainsi que l’historique du Vietnam, je me suis servi des livres suivants que vous pourrez consulter pour approfondir les points ci-avant traités et auquel ce site ne saurait se substituer:

  • L’univers du Viêt võ đao, Phan Hoang.
  • Vo thuât, arts martiaux vietnamiens, Serj Le Malefan (extrêmement fourni).
  • Le Lam son vo dao, livre 2: le Đao, Jacques Tran Van Ba (intéressant pour ce qui concerne l’aspect énergétique).
  • Les secrets du viêt vo dao, Phan Toan Chau.