LA LANCE

L’art de la lance

La lance se présente comme un bâton long très flexible dominée par une pique qui forme sa tête. Cette double composition, celle d’un bâton (en rotin la plupart du temps) qui est un produit naturel, et celle d’une pointe qui est issue du travail du forgeron, fait de la lance une arme ambivalente. Elle tire les mêmes avantages que le bâton : allonge des frappes, absorption intrinsèque du bâton qui permet des blocages directs ou frontaux en plus des blocages circulaires et la souplesse du mouvement, etc. La pointe qui surmonte le bâton tire les avantages des armes à lame comme l’épée ou le sabre : possibilité de trancher (que n’a pas le bâton), possibilité d’estoc en perforant, etc.

En réalité, le maniement de la lance ne ressemble ni à celui du bâton, ni à celui de l’épée. L’art de la lance est une voie intermédiaire et c’est sans doute ce qui lui vaut son surnom de « reine des armes longues ». L’élément du bâton était celui de la terre, celui du sabre était le métal. L’élément de la lance n’est ni l’un ni l’autre: son élément est l’eau. Son animal totem est le serpent.

Du serpent, l’art de la lance reprend la ruse de l’attaque et le mouvement ondulatoire (en « S »), c’est-à-dire légèrement circulaire même lorsque l’attaque est directe. Du serpent encore, la lance reprend la rapidité et « l’explosivité », autrement dit le passage très rapide du AM vers le ÐUONG (le serpent se déplace lentement comme s’il était gêné par sa constitution mais fond sur sa proie dans un sifflement qui trahit la rapidité de son mouvement), puis le retour quasi instantané au AM. Dans le maniement de la lance, cela se traduit par le glissement de l’arme dans les mains du pratiquant : la main arrière maintient l’arme (afin de ne pas la lâcher) et la fait se mouvoir tandis que la main avant la laisse glisser contre elle (la main reste néanmoins toujours en contact avec le bâton). Pour cette raison, le corps de la lance (la partie « bâton ») doit être très lisse. De ce point de vue donc, le maniement de la lance requiert une rapidité d’exécution manifeste.

L’élément de la lance est l’eau. A l’eau, la lance emprunte la fluidité, naturellement, mais surtout son caractère imprévisible (ne conseille-t-on pas de se méfier de l’eau qui dort?). Le maniement de la lance doit être rapide mais surtout changeant. La lance épouse la forme des circonstances et se meut au gré des énergies qui l’entourent : c’est la caractéristique de l’eau. La lance représente l’intelligence et la vivacité de l’eau.

L’art de la lance est un travail difficile qui nécessite une certaine pratique de l’art du bâton long. Bien que l’art du bâton soit une pratique propre et entière, il peut aussi être envisagé comme une étape, un palier vers l’art de la lance qui peut être compris comme un approfondissement de l’art du bâton.